La stratégie au golf

Je suis sûr que ça nous est arrivé à toutes et tous ? Au départ d’un trou, après avoir observé la configuration de l’environnement, nous saisissons notre bois 5. Sage décision !
Et nous constatons que nos camarades de jeu s’avancent driver en main. Sans plus réfléchir nous rangeons notre petit bois et sortons « l’arme fatale ».

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Il n’est pas toujours pertinent de sortir l’artillerie lourde ! La stratégie doit primer.

Bien au delà de l’anecdote nous faisons face à une question fondamentale : les décisions de nos voisins inspirent-elles les nôtres ? Une équipe de chercheurs de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Hôpital Pitié-Salpétrière à Paris) a abordé la question avec cette interrogation : comment prenons-nous nos décisions dans la vie de tous les jours, s’agit-il d’une question de personnalité inscrite dans nos gènes ou d’un processus hérité de l’éducation et de nos interactions sociales ?

Dans cette étude, dont les conclusions ont été livrées le 27 avril 2017,  les chercheurs ont observé la manière dont un échantillon de volontaires effectuait ses choix en retenant trois couples de critères : la prudence opposée à la prise de risque ; la patience opposée à l’impatience ; et le goût de l’effort opposé à la fainéantise.
Au terme de l’expérimentation ils ont mis en évidence un processus inconscient qui tend à aligner notre attitude sur celle des autres. Ce phénomène porte le nom de biais de contagion sociale.
Bien sûr nous connaissions tous des comportements mimétiques comme les moutons de Panurge, mais ici il s’agit d’un mimétisme qui s’applique à la prise de décision, ce qui est bien plus profond.

Pouvons nous retirer un bénéfice quelconque de cette étude pour notre golf ? Pouvons-nous espérer garder la main sur nos prises de décisions ? La réponse passe par la définition d’une stratégie de jeu.

Une stratégie, quelle stratégie ?

Toute stratégie doit s’appuyer sur une cohérence. Au golf nous avons une obligation de résultat, jouer le moins de coups possible, mais aucune obligation quant aux moyens d’y parvenir.  Nous devons juste respecter les règles.
Tout le monde connaît la petite phrase : « Au golf on ne te demandera jamais comment, mais combien. » Or c’est justement dans le comment que se situe la cohérence du jeu et pas du tout dans le combien. Le comment va donc être l’endroit où nous pourrons glisser une stratégie.
Dans son livre Le Golf, écrit dans les années 1940, Percy Boomer affirme : « la première source de bogey, c’est la tendance naturelle à agir avec la ferme intention d’obtenir le résultat espéré. » En d’autres termes, l’obsession du résultat peut nous faire oublier le moyen de l’obtenir.

Donc se fixer un objectif de coups à jouer sur tel ou tel trou et pousser la balle pour tenter d’y parvenir n’est pas une stratégie. Réfléchir à la façon de jouer le trou, avec ses moyens, de manière optimale, c’est définir une stratégie.

Là nous retrouvons les 3 paramètres qui entrent en jeu dans notre prise de décision et qui ont été mesurés par les chercheurs de l’Institut du cerveau :
– la prudence et son contraire la prise de risque,
– la patience et son contraire l’impatience,
– le goût de l’effort et son contraire la paresse.
Ces trois paramètres sont constitutifs de « l’intelligence de jeu » abordée dans l’article sur les Valeurs morales du golf.
Le goût de l’effort, imaginons que nous l’avons tous ! Reste la prudence et la patience sur lesquelles nous pouvons influer pour mettre en place une stratégie. Mais prudence et patience par rapport à quoi ?

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© Document Golf national.

Je prends un exemple personnel. Sur le 15 de l’Albatros au Golf National (347 m des jaunes) il est totalement imprudent pour moi de prétendre prendre le green en 2. Je n’ai pas « dans mon sac » le coup qui me permettrait de passer l’obstacle d’eau après mon drive.
Donc patience. Un deuxième coup d’une centaine de mètres va me placer à gauche à bonne distance pour passer au troisième coup sans prise de risque. Sait-on jamais, je me laisse une chance de faire le par et m’assure quasiment le bogey. Sur ce trou un bogey vaut pour moi tous les pars du monde ! Hélas je ne joue plus l’Albatros depuis que les droits de jeu y sont devenus prohibitifs…

À la lumière de cet exemple nous pouvons dire que la cohérence d’une stratégie est un tabouret à trois pieds qui nécessite :
1 – la connaissance de ses capacités personnelles
2 – l’appréciation  des difficultés et des subtilités d’un parcours
3 – la mise en relation de nos capacités avec la réalité du parcours que nous jouons.

Les éléments d’une stratégie

Établir une stratégie, et la respecter demande quelques efforts et pas mal de lucidité ! Plusieurs ingrédients vont entrer en ligne de compte.

Les fondamentaux

Connaître ses longueurs
Avant toute chose il convient de connaître ses longueurs de jeu. Il est impossible de jouer au golf en ignorant les distances que nous parcourons avec chacun de nos clubs. Une méthode est proposée dans l’article « Mesurer les distances ».

Tenir le stress à distance
Les causes de stress sont légion sur un parcours. Par exemple, une attitude des plus déstabilisante consiste à compter ses coups au fur et à mesure. Il faut s’abstenir de compter. Quand le trou est fini, le rejouer mentalement et là, compter ! C’est un excellent exercice.
Ne jamais faire de sous-totaux en cours de partie. Si c’est trop bon c’est la déconcentration assurée, si c’est trop mauvais c’est le découragement garanti.
Oui je sais les professionnels ont un décompte permanent à leur disposition. Mais jouons-nous dans la même cour ? Et sommes-nous certains qu’ils ont les yeux rivés sur ces tableaux ?

Jouer dans le temps présent
Le présent est le seul endroit où nous pouvons agir. Il suffit de nous consacrer entièrement à ce que nous faisons, à l’exclusion de ce que nous avons fait ou allons faire.

Les incontournables

Se fixer un objectif de jeu
Non, non un objectif de jeu ce n’est pas de vouloir jouer tel ou tel score sur la partie. Un objectif c’est par exemple: « se faire plaisir ». Se faire plaisir est la condition nécessaire pour bien jouer à son niveau. Se faire plaisir ce peut être simplement de réaliser un bogey sur tel ou tel trou. C’est la voie royale pour un bon score quand l’heure des comptes sera venue…
Ce peut être aussi « ne pas se mettre en colère ». Se mettre en colère c’est perdre ses moyens, c’est mal jouer, c’est l’assurance d’un mauvais score.
À chacun(e) le choix de son objectif de jeu…

Respecter sa routine sur chaque coup
Encore faut-il avoir une routine… Pas de routine, pas de golf. Tous nos mauvais coups sans exception trouvent leur origine dans une mauvaise préparation. C’est vrai pour le grand jeu, pour le petit jeu, mais aussi pour le putting.

Les excellents

Cultiver sa vista
On dit d’un sportif qu’il a la vista quand il possède une bonne clairvoyance du jeu qu’il pratique.
Savoir choisir ses focus, ses cibles, savoir visualiser ses trajectoires, jouer avec un coup d’avance, tenir compte de la météo, sont autant d’éléments constitutifs de la vista que doit avoir un golfeur.
Un bon moyen de cultiver sa vista consiste à observer les professionnels que ce soit réellement sur le parcours ou à la télévision. Il est très enrichissant de regarder les filles en tournoi. Elles sont généralement plus stratégiques que les hommes.

Évaluer au plus juste le rapport prudence/prise de risque
La prudence comme la prise de risque font partie du jeu.  Si notre objectif est de nous faire plaisir, toute la difficulté est de sentir à quel moment la prudence commence à gâcher le plaisir et à partir de quel degré de prise de risque le stress l’emporte sur le plaisir ? Placer le curseur au bon endroit au bon moment demande beaucoup de clairvoyance, et une bonne dose de lâcher prise. Qu’est ce qui est le plus important ? Où puis-je agir avec efficacité ?

 les gagnants
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Le grand jeu doit préparer l’approche

Préparer son approche
Le grand jeu doit avoir pour unique fonction de préparer l’approche. Ce précepte vaut pour tous les golfeurs, quel que soit leur niveau de jeu. Laissons nous toujours notre coup préféré pour jouer le green. Personnellement c’est un fer 9 ou un pitch. Si je me retrouve à devoir jouer un sand-wedge ou une approche roulée de 15 m j’en déduis que je n’ai pas joué dans ma stratégie… ou que j’ai lamentablement planté mon approche !

Travailler sur le green
Et oui, le goût de l’effort nous le retrouvons là ! Sur le green la densité de la prise d’informations demande patience et travail ! Chaque putt se gagne au travail, à l’effort ! Regardez les pros, même pour un putt de 30 cm ils effectuent leur routine avec conscience… Gâcher un putt par dilettantisme , quel dommage !

Conclusion

Pour éviter que nos prises de décision soient parasitées par nos compagnons de jeu, il faut adopter une stratégie qui s’applique à l’ensemble du parcours mais aussi à chaque trou et à chacun de nos coups. En un mot elle doit être cohérente de bout en bout.
Cette stratégie est l’aboutissement d’un réel travail de réflexion. À partir de là il n’y a plus aucune raison de se laisser entraîner par notre entourage. S’il n’y a plus de place pour l’incertitude, le mimétisme ne nous atteint plus, nous pouvons jouer NOTRE jeu.